Combattre l’emploi précaire : quel rôle pour l’économie sociale et les syndicats?

Septembre 2012

Retour sur la conférence organisée par le réseau européen REVES

Quelles sont les nouvelles formes de coopération à mettre en place entre les acteurs de l’économie sociale et les syndicats pour lutter contre l’emploi précaire ? Dans une conférence, le réseau REVES a tenté de répondre à cette question et est revenu sur un bref état des lieux des politiques européennes en matière de lutte contre l’emploi précaire.

En effet, le 5 septembre 2012, le réseau européen des Villes et régions de l’économie sociale (REVES), a rassemblé des acteurs de l’économie sociale, de la Commission européenne, du Parlement européen et de l’Organisation internationale du Travail pour s’interroger sur le rôle de l’économie sociale et des syndicats dans la lutte contre l’emploi précaire.

Les intervenants ont analysé le développement du travail précaire et la dégradation de la qualité du travail dans les différents pays de l’Union européenne. Ils ont souligné que cette banalisation du travail précaire s’accompagnait d’une modification de la perception de la précarité. L’emploi précaire est en effet parfois quasiment considéré comme un tremplin vers l’emploi, ou du moins un passage obligé quasiment normal dans le contexte de crise de l’emploi. Les différents acteurs présents regrettaient que ce phénomène de banalisation  conduise à sous-estimer les multiples conséquences négatives de cette précarité sur les travailleurs, notamment sur le niveau de leur protection sociale. De même, les intervenants ont attiré l’attention sur les différents aspects de la dégradation de la qualité du travail, selon les 10 critères retenus par le réseau européen de lutte contre la pauvreté : niveau de salaire ; type de contrat ; niveau et qualité de la protection sociale ; qualité des conditions de travail, et de l’environnement de travail ; emploi du temps qui permet de concilier vie professionnelle et personnelle ; respect du droit de participer au dialogue social, et à la protection envers tous les types de discrimination ; garantie de l’accès à la formation, et au développement de compétences ; perspectives de développement et de progression professionnelle et la satisfaction liée au travail. Le séminaire s’est tout particulièrement intéressé à la précarisation des jeunes et des immigrés, deux catégories de populations étudiées dans le cadre du projet « Rights now ! », mis en œuvre par le réseau REVES, en coopération avec 6 partenaires européens. Face à ce constat négatif, les intervenants se sont interrogés sur les différents moyens avec lesquels les acteurs de l’économie sociale, les partenaires sociaux, et les institutions pouvaient agir pour lutter contre la précarité.

Vers une meilleure prise en compte des intérêts des employés atypiques par les acteurs de l’économie sociale et des syndicats ?

Dans des propos autocritiques, certains acteurs de l’économie sociale ont rappelé un paradoxe : bien que, malgré les études, la satisfaction liée au travail est meilleure dans les structures d’économie sociale, la qualité du travail est globalement moindre (notamment en terme de rémunération, de type de contrats, et de protection sociale) que dans le secteur privé hors ESS et le secteur public. Ils ont ainsi évoqué que leur préoccupation vis-à-vis de cette précarité était réelle, et qu’ils avaient, tout comme les syndicats, la même volonté d’améliorer la défense et la promotion des droits des employés. En outre, ils ont rappelé que ce même souci avait historiquement sous-tendu la création des syndicats et des mutuelles.

Les acteurs de l’économie sociale présents ont également rappelé qu’un renforcement de leur coopération et une meilleure prise en compte des intérêts des travailleurs précaires dans le dialogue social, à la fois au sein des établissements, et dans le dialogue avec les autres partenaires sociaux et l’Etat, sont indispensables pour que le secteurs de l’économie sociale et des syndicats puissent jouer activement un rôle de lutte contre la précarité.

Enfin, les acteurs de l’économie sociale ont rappelé que, si les entreprises d’insertion représentaient un moyen de lutter contre la précarité, l’économie sociale ne devait pas simplement être considérée comme les acteurs d’une économie « réparatrice » et ne devait pas se substituer à la mise en œuvre d’une politique européenne et de politiques nationales, de lutte contre l’emploi précaire.

Union européenne et lutte contre l’emploi précaire

La présence d’acteurs de la Commission européenne, du Parlement européen, et de l’économie sociale, a été l’occasion de faire le point sur les politiques européennes, et de proposer certaines recommandations. Les acteurs de l’économie sociale se sont exprimés sur l’absence de définition claire de la « précarité » dans les textes européens. Selon eux, cette absence de définition constitue un obstacle à l’analyse, la compréhension du phénomène, et à la mise en œuvre d’une stratégie efficace.

Certes, des travaux ont été entrepris sur le thème par les institutions européennes :

  • la résolution du Parlement européen sur les salariés en situation de travail précaire
  • l’opinion du Comité économique et social européen intitulé « Stratégies de sortie de crise de l’UE et mutations industrielles : des emplois plus précaires ou durables? »
  • ou plus récemment l’étude commandée par la Commission européenne sur le lien entre travail précaire et l’accès aux droits sociaux menée par le « Working lives conditions research  institute » de l’université London Metropolitan, qui témoigne que la précarité fait partie des préoccupations des institutions européennes.

Cependant, la nécessité de mettre en œuvre une politique intégrée en matière d’emploi et de lutte contre la précarité a été soulignée. De plus, les intervenants regrettaient que la question de la création d’emplois de qualité et de la lutte contre la précarité ne soit pas plus approfondie dans les différents types d’initiatives et de documents des institutions relatives à la création d’emplois (comme la Communication de la Commission européenne d’avril 2012 sur la croissance riche en emplois, et la récente conférence intitulée « Jobs for Europe ! » organisée par la Commission les 6 et 7 septembre derniers).

Les acteurs de l’économie sociale et des syndicats ont également évoqué plusieurs recommandations :

  • la nécessité d’adapter les conditions d’accès à la protection sociale afin de permettre aux personnes ayant un emploi atypique de conserver une protection sociale correcte
  • la nécessité d’insérer des clauses sociales dans les marchés publics pour combattre l’emploi précaire
  • la nécessité que les acteurs de l’économie sociale et les syndicats inventent de nouvelles formes de coopération pour mieux défendre les travailleurs, et renforcent leur partenariat
  • la nécessité de favoriser une autonomisation de l’économie sociale vis-à-vis des pouvoirs publics, ce qui implique la mise en place d’un système règlementaire favorisant son développement au niveau européen.

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