Stratégie européenne et service à la personne

Deux  documents sont fondateurs du marché commun européen : le Livre Blanc de la Commission à l’intention du Conseil Européen de 1985 et le Livre Blanc « Croissance, compétitivité, emploi, les défis et les pistes pour entrer dans le XXIème siècle » de 1993.Ces deux Livres blancs n’évoquent pas a priori le thème des services à la personne de manière directe.

En premier lieu, le Livre Blanc de 1985 sur l’achèvement du marché intérieur établit les bases du marché commun de 320 millions de consommateurs européens. Il y est question de services, mais « traditionnels », apparaissant en outre en tant que sous-catégorie de biens et dans le cadre d’une libéralisation conséquente.

En second lieu, l’idée directrice du Livre Blanc « Croissance, compétitivité, emploi, les défis et les pistes pour entrer dans le XXIème siècle » est de faire en sorte que la croissance européenne génère des emplois. Les services sont mis à l’honneur dans leur rôle de créateur d’emplois. Or, ce Livre Blanc fait le constat que les services à la personne, désignés par le terme « services locaux », se voient boudés à cause de leur caractère perçu comme dévalorisant par la majorité de la population. Leur potentiel créateur d’emplois est tout de même déjà reconnu.

Dans le livre Blanc de juillet 1994 « Politique Sociale Européenne, Une voie à suivre pour l’Union », les services à la personne sont évoqués, relevant pour l’instant la plupart du temps des soins aux enfants et aux personnes âgées, de même que l’accueil des enfants dans des structures spécialisées.

Dans la stratégie de Luxembourg lancée en 1997, qui donnera naissance aux Stratégies Européennes pour l’Emploi (SEE), les services de proximités sont décrits comme la panacée en matière de création de nouveaux emplois locaux. Ceux-ci sont en effet présentés comme comblant des besoins encore non satisfaits et comme solution pour le chômage de longue durée.

Le conseil Européen qui se réunit à Lisbonne le 24 mars 2000 va permettre le commencement de la « stratégie de Lisbonne ». Cette stratégie vise à faire de l’Union Européenne l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici 2010, capable de croissance durable, tout en s’accompagnant d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. Les Livres verts et Blancs sur les services sociaux d’intérêt général en 2003 et 2004 sont donc dans le prolongement de cette stratégie, de même que le Fonds Social Européen, dont les projets mettent à l’honneur les services à la personne.

les services à la personne dans les politiques européennes aborde le tournant libéral des années 2006-2007. Au cours de cette période, la directive dite « Bolkestein » provoque remous et polémiques dans la mesure où les populations s’inquiètent, entre autres, de la préservation de la spécificité des services sociaux d’intérêt général (et donc de certains services à la personne)

la Communication de la Commission Européenne sur les SSIG en Union Européenne datant du 26/04/06 propose de prendre en compte les spécificités des services sociaux au niveau européen dans un souci de modernisation. On note de ce fait une volonté croissante d’apporter un cadre communautaire dans la prestation de ces services. Les services à la personne sont évoqués, mais dans le cadre des services sociaux. De ce fait, tous ne sont pas encore pris en compte dans la législation communautaire, laissant encore une large marge de liberté aux Etats membres dans leur gestion.

Services d'intérêt général

Comme pour l’ensemble de la sphère sociale, le principe de subsidiarité s’applique aux SSIG et laisse les États libres de définir le contenu des missions d’intérêt général confiées aux prestataires et les principes d’organisation qui en découlent.
Cependant, dans l’exercice de cette liberté, les États doivent tenir compte de la législation communautaire car, suivant la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), la quasi-totalité des services prestés dans le domaine social (à l’exception des régimes de sécurité sociale basés sur la solidarité) sont considérés comme des activités économiques.

Le Paquet Monti-Kroes sur les aides d’Etat pour les SIEG

Dans son arrêt dans l’affaire Altmark en 2003, la Cour de justice a jugé que la compensation de service public ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE [devenu l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne] dès lors qu’elle remplit quatre conditions cumulatives. Cependant, si au moins une des conditions précisées dans l’arrêt Altmark n’est pas remplie, et si les autres critères constitutifs d’une aide d’État sont présents, la compensation de service public en cause constitue une aide d’État.

Sur la base de cette jurisprudence, la Commission a adopté, en juillet 2005, le «paquet SIEG» en vue de définir les conditions dans lesquelles une aide d’État sous forme de compensation de service public peut être considérée comme compatible avec le marché commun. Le “paquet SIEG” comprend les éléments suivants:

  • La décision de la Commission du 28 novembre 2005 concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE [devenu l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général; la décision précise les conditions dans lesquelles les compensations octroyées aux entreprises pour l’exécution de leurs obligations de service public sont considérées comme compatibles avec les règles en matière d’aides d’État et sont exemptées de l’obligation de notification à la Commission. Elle exonère de l’obligation de notification les compensations dont le montant est inférieur à 30 millions d’EUR par an lorsque le chiffre d’affaires annuel du bénéficiaire n’atteint pas 100 millions d’EUR, de même que toutes les compensations octroyées aux entreprises de logement social et aux hôpitaux, sous réserve de certaines conditions;
  • L’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public : l’encadrement définit les conditions dans lesquelles la Commission peut déclarer les compensations non couvertes par la décision compatibles avec les règles en matière d’aides d’État;
  • La directive 2005/81/CE de la Commission du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises: cette modification impose aux entreprises qui reçoivent une compensation de service public l’obligation de tenir des comptes séparés, indépendamment de leur qualification comme aide d’État. Ces actes ont été consolidés par la directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises.

La libéralisation des services

Inscrite dans les traités fondateurs des Communautés européennes, la libéralisation des services a donné lieu à l’adoption d’une directive en 2006 qui a suscité de nombreuses inquiétudes en Europe, notamment au sein du monde associatif qui s’interroge sur l’impact de la réglementation européenne sur ses activités.

Il s’agit là d’un débat crucial en ces temps de crise économique, d’autant que les politiques publiques demeurent les principaux amortisseurs sociaux et les vecteurs de cohésion sociale et territoriale à l’intérieur des Etats-membres. L’enjeu est de taille puisque les services sociaux concernent des domaines aussi divers que les services aux personnes âgées, l’accueil de la petite enfance ou encore l’insertion et la formation professionnelles, autant de services qui font partie intégrante de la vie quotidienne de tous les citoyens.

A la suite de cette directive service, la Commission européenne identifie deux groupes de SIG dans les deux communications

En effet, les deux communications mettent en exergue le fait que les SSIG peuvent être soit de nature non-économique, soit de nature économique et que le caractère social du service ne peut être suffisant à lui seul à l’écarter de la qualification «service économique ».

Un premier groupe de SSIG identifié par la Commission, le groupe des services sociaux d’intérêt général non économique, est exclu du champ d’application des règles communautaires sur le marché intérieur et du droit de la concurrence. Les services de sécurité sociale font partie du groupe des SIGNE, domaine strictement réservé aux Etats et hors champ d’application des traités.

Un second groupe, celui des services sociaux d’intérêt économique général, en revanche, tombe dans leur champ d’application, au motif du caractère économique de leurs activités. Ainsi les SSIG de nature économique sont reconnus SIEG et sont soumis de facto aux règles qui les encadrent.

Le paquet Almunia-Barnier

En s’appuyant sur l’expérience de la mise en œuvre du paquet Monti-Kroes, sur les opinions des Etats membres, des fournisseurs et des usagers, la Commission européenne a adopté, le 20/12/11, le «paquet Almunia» avec pour objectif d’adapter et clarifier les règles sur le financement des services d’intérêt économique général.

Pourquoi une révision du paquet Monti-Kroes par le paquet Almunia?

Avec le paquet Almunia, la Commission souhaite:

  • protéger l’existence des SIEG
  • clarifier les principes essentiels applicables aux aides d’Etat
  • introduire des règles plus simples et plus souples pour les SIEG de faible importance, organisés au niveau local et ayant un objet social, en concentrant son contrôle sur les grands SIEG davantage susceptibles de porter atteinte à la concurrence

 La composition du paquet Almunia

Il se compose de quatre textes:

  • une communication visant à clarifier les notions fondamentales liées à l’application des règles européennes,
  • une décision d’exemption de notification,
  • un encadrement visant les compensations non couvertes par la décision d’exemption
  • une proposition de règlement «de minimis» spécifique aux SIEG,

Excepté le projet de règlement «de minimis» qui devrait entrer en vigueur au printemps prochain, les règlements adoptés seront applicables dès le 31 janvier 2012. D’application directe en droit interne, ces dispositions ne nécessitent pas de transposition et sont directement opposables aux collectivités territoriales et aux acteurs bénéficiaires des aides.

Les avancées du paquet

La communication apporte des éclaircissements sur les notions fondamentales relatives aux SIEG, telles que les notions d’aide d’Etat, de SIEG, d’activité économique, de convergence des procédures de marché public, d’absence d’aide…

L’exemption de notification précédemment réservée aux hôpitaux, au logement social,  aux aéroports régionaux et aux ports, s’applique désormais à un éventail beaucoup plus large de services sociaux tel que les services pour la garde d’enfants, la réinsertion professionnelle et plus largement les structures œuvrant pour «l’inclusion sociale des groupes vulnérables».

Autre avancée, la Commission réduit la fréquence du contrôle des compensations, qui seront contrôlées non plus chaque année mais «à la fin du mandat et, en tout état de cause, au minimum tous les trois ans». Cette fréquence permettra d’avoir une meilleure idée des besoins du prestataire en fonction des recettes réalisées, de ses charges, des éventuels prêts contractés.

Les points faibles du paquet

Le règlement «de minimis» ne vise que les besoins «sociaux essentiels» et  ne concerne pas les services culturels et sportifs locaux.

La décision qui permet d’exempter de notification les compensations de services répondant à des besoins sociaux reste imprécise. La situation reste encore très floue pour les collectivités sur les contours des SIEG et des SSIG, à titre d’exemple : l’aide à domicile ou la formation continue sont-elles des SSIG? L’interprétation de la notion qui vise «l’accès et la réinsertion sur le marché du travail» couvrira-t-elle la formation professionnelle et l’apprentissage?

Comme l’a souligné l’eurodéputée Françoise Castex, ce «nouveau paquet ne lève pas l’hypothèque de l’erreur manifeste et maintient l’insécurité juridique qui pèse aujourd’hui sur les collectivités locales». Notons que cette incertitude conduit souvent à la prudence, les collectivités tendant à passer le plus possible par la commande publique pour éviter tout problème.

Un autre problème qui se pose au niveau français est le refus des parlementaires et du gouvernement d’adopter une loi définissant les services sociaux d’intérêt général. Un cadre législatif cohérent et homogène de mandatement des services sociaux en droit interne permettrait en effet de bénéficier des dispositions protectrices des traités (articles 14 et 106-2 du TFUE, protocole n°26 sur les SIG).

Les intergroupes Services Publics au Parlement Européen

Les règlements européens relatifs au FEDER et au FSE sont en cours de négociation pour la période 2014-2020. Pour comprendre comment ces derniers vont pouvoir s’articuler avec les règles relatives aux aides d’Etat pour les services d’intérêt général, une réunion a eu lieu le 19 septembre au sein du Parlement européen.  Pour la Solidarité a participé à cette réunion et vous propose un compte-rendu de cet intergroupe.

Le guide 2013 sur les aides d’état et SIEG

La Commission européenne a publié en février 2013 un nouveau guide sur les aides d’états pour les SIEG et SSIG.

Télécharger le guide (en anglais)

Sources :

http://www.auvergnecentrelimousin.eu/focus/58-focus/386-le-paquet-almuni...
http://www.afccre.org/fr/actualites/mise-en-%C5%93uvre-du-paquet-monti-k...

 

Pays: 

Union Européenne