Stratégie européenne et Impact social

L’innovation sociale apparaît pour la première fois explicitement dans les discours de la Commission européenne dans un« Livre Vert sur l’Innovation » en 1995 qui déplore le manque d’initiatives de l’Europe en la matière et préconise donc un environnement plus favorable à l’innovation : formations, aides juridiques, impulsion des autorités publiques, etc.

Ce soubresaut apparaît à nouveau dans le contexte du milieu de la décennie 1990 pendant laquelle le modèle social s’essoufflait et le chômage ne cessait d’augmenter. Dans ce Livre Vert, l’innovation est définie comme « synonyme de produire, assimiler et exploiter avec succès la nouveauté dans les domaines économique et social » mais elle concerne de facto surtout les améliorations technologiques et industrielles, même si une petite place est accordée à l’innovation sociale comme moyen de répondre aux besoins de la société… mais toujours en collaboration avec l’innovation technologique.
Ensuite, en 2000, la Stratégie de Lisbonne met l’innovation au cœur de la relance de la croissance économique et de la modernisation du modèle social avec le programme ambitieux de faire de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Malheureusement, la Stratégie de Lisbonne n’a pas atteint le succès espéré, surtout en ce qui concerne l’innovation sociale.
Entre deux Stratégies européennes, 2009 fut l’année européenne de la créativité et de l’innovation. Dans le cadre des évènements tenus tout au long de cette année, le Président de la Commission européenne encouragea et valorisa l’innovation sociale au cours notamment d’un Atelier innovation sociale organisé par le Bureau des conseillers de politique européenne (BEPA)

Dans la Stratégie Europe 2020, la reconnaissance du rôle de l’innovation sociale pour les besoins des États membres européens atteint, enfin, son apogée. L’innovation sociale apparaît un effet comme un moyen efficace pour participer tant à l’objectif de « croissance intelligente » (connaissance et innovation), qu’à celui de « croissance inclusive » (emploi et cohésion sociale) et pour certains projets également, à l’objectif d’une « croissance durable ». L’innovation sociale figure ainsi désormais dans nombre d’initiatives lancées par la Commission européenne, comme dans la « Plateforme contre la pauvreté et l’exclusion sociale » dans laquelle l’un des cinq axes est dédié à « stimuler l’innovation  sociale sur la base de données concrètes »

Parmi les sept initiatives phares de la Stratégie Europe 2020 figure, dans le volet « croissance intelligente », « Une Union de l’innovation », où l’innovation sociale est reconnue comme étant nécessaire, à côté des innovations économiques, écologiques ou numériques.

Pour concrétiser ces efforts de partage et de diffusion des innovations sociales, cette Union a fait naître en 2011 « Social Innovation Europe », une plateforme virtuelle qui met en réseau les innovateurs (société civile, gouvernements, entreprises privées, …) et leur permet ainsi d’échanger leurs idées et de diffuser leurs bonnes pratiques.

Ensuite, dans le cadre cette fois-ci de l’Acte pour le marché unique d’avril 2011, la Commission mise sur le marché unique pour créer de l’emploi et de la croissance. Elle identifie alors douze leviers à actionner, dont l’entrepreneuriat social qu’elle identifie comme un moyen stratégique de réaliser les objectifs Europe 2020 et qu’elle souhaite donc développer grâce notamment à des fonds d’investissement solidaires. Mais concrètement, elle élabore aussi « l’initiative pour l’entrepreneuriat social » dans laquelle elle définit l’entrepreneuriat social en lui reconnaissant un rôle clé pour l’innovation sociale de haut niveau. La Commission préconise alors trois types d’actions à entreprendre pour le bon déploiement de l’entrepreneuriat social :

  • un accès aux financements privés et européens (dont FSE et FEDER),
  • visibilité,
  • un environnement juridique propice.

Dans cette initiative, elle confirme le rôle prépondérant de l’innovation sociale et de l’ESS, deux leitmotivs des politiques européennes depuis 2010 : « Afin de favoriser une “économie sociale de marché hautement compétitive”, la Commission a placé l’économie sociale et l’innovation sociale au cœur de ses préoccupations, tant en termes de cohésion territoriale que de recherche de solutions originales pour les problèmes sociétaux, et notamment la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, dans sa Stratégie Europe 2020, dans l’initiative-phare “Une Union pour l’innovation”, dans la Plateforme européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale et dans l’”Acte pour le Marché unique” »

Dans tous les projets inscrits ci-dessus, la Commission insiste à chaque fois sur la mobilisation des financements européens à travers les fonds structurels (FSE, FEDER, Fonds de cohésion)  de la politique de cohésion.

Mais d’autres instruments peuvent être mobilisés en faveur de l’innovation sociale et devraient être bientôt réunis dans le Programme européen pour le changement social et l’innovation sociale qui a été imaginé dans le cadre des politiques sociales et de l’emploi pour 2014-2020 et dans la lignée de la Stratégie Europe 2020 qui vise à simplifier et coordonner les instruments. Ce programme entend soutenir les actions sociales innovantes dans les domaines politiques, le secteur privé et le tiers secteur, aider à organiser des expérimentations sociales et faciliter la mise en réseau des différents acteurs et expériences (voir COMMISSION EUROPÉENNE, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l’Union européenne pour le changement social et l’innovation sociale, COM(2011) 609 final, Bruxelles, Le 6/10/2011, p. 9)  . Il « intègre trois programmes existants, Progress (programme pour l’emploi et la solidarité sociale), EURES (services européens de l’emploi) et l’instrument de microfinancement Progress[2], et en élargit la portée. » (voir page Finance solidaire/stratégie européenne)  Ce programme devrait disposer de 958 millions d’euros entre 2014 et 2020, répartis ( 60% de PROGRESS (dont 17% minimum pour de l’expérimentation sociale), 15% d’EURES et 20% de l’outil de microfinancement)  entre les trois programmes qu’il réunit.

 

Pays: 

Union Européenne