Marché public et clauses sociales en Belgique

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En droit

  • La base légale des clauses sociales est la loi du 24 décembre 1993 sur les marchés publics, et plus particulièrement les articles 16 et 18 bis. Le chapitre XII  de la loi programme du 8 avril 2003 introduit des précisions dans la loi du 24  décembre 1993 relative aux marchés publics, traduisant les dernières évolutions  du droit communautaire en matière de prise en compte du développement durable dans le cadre des marchés publics. Afin de sécuriser de manière juridique la prise en compte du développement durable dans l’appréciation de « l’offre économiquement la plus avantageuse », la loi-programme ajoute à l’article 16 de  la loi du 24 décembre 1993 que les critères d’attribution peuvent être notamment des considérations d’ordre social et éthique. Elle précise également la  possibilité d’intégrer des conditions d’exécution en faveur de l’insertion sociale ou prenant en compte des considérations éthiques.
  • En 2003, la Belgique a fait preuve de courage politique et a réalisé, dans le cadre des marchés publics, un grand pas en faveur du développement durable en général et de l’économie sociale en particulier. En effet, l’inclusion de ces précisions juridiques et d’une possibilité de réserver certains marchés ouvrent de nombreuses pistes permettant de valoriser les dimensions environnementales, sociales ou éthiques à tous les stades de la procédure, que ce soit lors de la définition de l’objet du marché, lors de la sélection et de l’attribution ou lors de l’exécution. Cette loi a été modifiée par les lois des 15 et 16 juin 2006 pour transposer les directives européennes. Sur base du texte actuel il apparaît que, même si le mot éthique a disparu des textes, le législateur belge reste fidèle à sa position progressiste en la matière. Néanmoins, il a fallu une mobilisation des partisans du développement durable et en particulier de la Secrétaire d’État au développement durable et à l’économie sociale pour arriver à un tel résultat.
  • Une clause sociale est une stipulation dans un cahier des charges d’un marché public poursuivant un objectif de formation ou d’insertion socioprofessionnelle de  demandeurs d’emploi peu qualifiés, d’apprentis, de stagiaires ou d’apprenants. Il s’agit d’une obligation sociale imposée à l’entreprise adjudicataire pour la durée du marché.
  • Les clauses sociales s’appliquent uniquement aux marchés de travaux et de services et non aux marchés de fournitures. Elles concernent les secteurs de la construction et des travaux publics, des espaces verts, des parcs et jardins, de la collecte et de la valorisation de déchets, du nettoyage, de l’archivage, de  l’imprimerie, etc.

Il existe cinq clauses sociales. Le pouvoir adjudicateur choisit celle qui rencontre son objectif de la manière la plus percutante :

  1. La réservation : il est stipulé dans l’article 18 bis § 2 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, que la participation à la procédure de  passation de marché public est réservée à des entreprises de travail adapté et à des entreprises d’économie sociale d’insertion. Une condition cependant : que le marché ne soit pas soumis à des obligations résultant des  directives européennes. Les entreprises d’économie sociale d’insertion dont il  est question sont celles qui répondent à la définition donnée à l’article 59 de la loi du 26 mars 1999. La réservation ne s’applique que pour les marchés de services ne dépassant pas 206 000 € et pour les marchés de travaux ne dépassant pas 5 150 000 €. L’obligation est faite de consulter au moins trois entreprises d’économie sociale d’insertion pour chaque marché.
  2. La sous-traitance à l’économie sociale : il est stipulé dans l’article 18 bis § 1er de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, que l’entreprise  adjudicatrice doit, au cours de l’exécution du présent marché, sous-traiter x % du montant total hors TVA (soit un lot ou soit un % du marché) du marché avec des entreprises d’économie sociale d’insertion. Les documents démontrant qu’il satisfait à cette condition sont produits dans les trente jours qui suivent la notification de la décision d’attribution. En cas de violation de cette clause sans justification admise ou fournie dans les délais requis, le pouvoir adjudicateur peut réclamer à l’entreprise adjudicatrice une pénalité de 5% du montant initial du marché. La clause de sous-traitance à l’économie sociale est une condition d’exécution du marché. Le montant de cette sous-traitance peut aller jusqu’à 135 000 €.
  3. La clause sociale « jeune » : il est stipulé dans l’article 18 bis § 1er de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, que l’entreprise adjudicatrice doit, au cours de l’exécution du présent marché, mettre en place des actions de formation pour des jeunes pour X % du montant total hors TVA du marché. Le  public cible concerné par cette clause est celui des apprenants en alternance issus des Centres de Formation en Alternance de la Communauté française (CEFA) ; de l’IFAPME sous forme de Contrat d’apprentissage (à partir de 15 ans) et Convention de stage (à partir de 18 ans) ; de l’Enseignement de Promotion Sociale ; du Régime Apprentissage Construction (RAC) ; du Contrat d’Apprentissage Industriel (CAI) ; des stages professionnalisants (effectués au troisième degré de l’enseignement qualifiant). Cette clause est une condition d’exécution du marché. Elle concerne tous les marchés publics, qu’il s’agisse de marchés de services ou de marchés de travaux. Il est préconisé de l’appliquer pour des marchés au-delà de 200 000 € et pour des missions ou chantiers d’une durée d’au moins 20 jours ouvrables.
  4. La clause sociale formation « FOREM » : il est stipulé dans l’article 18 bis § 1er de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, que l’entreprise adjudicatrice doit, au cours de l’exécution du présent marché, mettre en œuvre des actions de formation et d’insertion socioprofessionnelle pour les chômeurs  ou pour les jeunes, en assurant sur le chantier la formation de X stagiaires de 456 h en entreprise au métier de « XX/XX/XX », via un dispositif FOREM. Les  stagiaires doivent être chômeurs complets indemnisés, bénéficiaires du minimum de moyen d’existence ou demandeurs d’emploi libres ; ils doivent être âgés d’au moins 18 ans ; ils ne doivent pas disposer d’une expérience professionnelle comptabilisant plus de 150 heures de travail dans les 12  derniers mois. Cette clause est une condition d’exécution du marché. Elle doit concerner des chantiers de 20 jours ouvrables minimum. Cette clause concerne les marchés de travaux de bâtiment d’un montant supérieur ou égal à 496.000€, incluant des travaux de gros œuvre pour un montant supérieur ou égal à 248.000 € et/ou de parachèvement pour un montant supérieur ou égal à 74.400 €. Elle concerne tout marché de travaux de génie civil d’un montant supérieur ou égal à 248.000 €. Elle concerne les marchés de services d’entretien et de réparation (catégorie 1), de nettoyage de bâtiments et de gestion de propriété (catégorie 14), de voirie et d’enlèvement d’ordures, d’assainissement (catégorie 16), et autres (catégorie 27).
  5. La clause sociale « en critère d’attribution » : cette clause ne concerne que les marchés dépassant les seuils européens de marchés de services et de travaux.
  • Pour répondre à un appel d’offres dans le cadre d’un marché public, toute entreprise doit être enregistrée et, au-delà de certaines sommes, posséder l’agréation « marchés publics ». L’enregistrement fait notamment la preuve de l’accès à la profession, du respect des règles de l’ONSS (Office national de sécurité  sociale) et des impôts.

A noter que la Région wallonne envisage (d’ici à 2013 ?) de rendre obligatoires les clauses sociales pour les marchés cofinancés à 50 % par la Région et dépassant certains montants de marchés. La Région de Bruxelles devrait lui emboiter le pas.

En pratique 

L’entreprise Casa Blanco (statut associatif) à Bruxelles, vise à l’insertion professionnelle des personnes en difficultés sur le marché du travail, c’est-à-dire des demandeurs d’emploi peu qualifiés ou des chômeurs de longue durée. Casa Blanco leur offre une expérience de travail dans les métiers du bâtiment et les accompagne au moment de leur passage vers le marché du travail. Casa Blanco est enregistrée comme entrepreneur de travaux (parachèvement). La structure travaille notamment avec des collectivités, des agences immobilières sociales, des centres de formation pour des chantiers de rénovation et de parachèvement intérieur. Afin de pouvoir répondre aux appels à marchés publics, Casa Blanco a décidé de passer l’agréation. Cet enjeu était essentiel pour permettre à l’entreprise de répondre à des objectifs de formation d’un plus grand nombre de demandeurs d’emplois peu qualifiés ou à des chômeurs de longue durée. « Cela prend tout son sens à Bruxelles, où on investit d’énormes sommes dans le bâtiment et où le taux de chômage est l’un des plus élevés » explique le coordinateur de la structure. « Pour nous, en jouant dans la cour des marchés publics, l’enjeu est d’offrir le plus de postes de formation possibles, parce que nous en avons besoin, tout simplement ». En inscrivant Casa Blanco dans le circuit des marchés publics, le coordinateur voit également une occasion de montrer aux détracteurs de l’économie sociale que les entreprises sociales peuvent se soumettre aux mêmes contraintes que les autres. Il considère par ailleurs qu’une réponse à un marché public nécessite moins de temps administratif que si la structure avait une multitude de petits dossiers à monter. Plus fondamentalement, cette hybridation entre « subsides » et revenus générés par les chantiers est, pour le coordinateur, la piste que doit suivre une entreprise de formation par le travail (EFT)

Le Trusquin, entreprise de formation par le travail (EFT) à Marloie, spécialisée dans l’éco-construction, est une habituée des marchés publics. Elle répond tous les mois à un appel d’offres, quasi exclusivement pour le Fonds du logement namurois. Le souhait de l’entreprise est de ne répondre qu’à un appel à la  fois, considérant que chaque marché nécessite un suivi régulier et qu’il est important de privilégier la qualité pour garder la confiance des entreprises et des  particuliers. Tout en se positionnant sur les chantiers de rénovation du Fonds du logement, Le Trusquin choisit de répondre à ceux qui nécessitent des matériaux écologiques. Ce positionnement permet aux stagiaires plus confirmés de mettre en œuvre leur savoir-faire nouveau. En interne, l’entreprise dispose d’un conseiller capable de rédiger les plans de réduction des risques exigés sur certains chantiers. Afin de permettre aux stagiaires moins qualifiés d’acquérir des compétences, Le Trusquin maintient par ailleurs des chantiers qui ne nécessitent pas de répondre à des marchés publics et pratique donc le mélange chantiers privés-chantiers publics. Mais la plus grosse difficulté ne réside pas dans la réponse à un marché public, mais bien dans le manque de formateurs pour accompagner les stagiaires…

Pays: 

Belgique