L’adoption du Volet II de l’AMU: marque une certaine détermination de la Commission, bien que le “chantier” reste immense

L’adoption du volet II de l’Acte pour le marché unique et la présentation des principaux résultats du dernier rapport de la CIRIEC sur l’état de l’économie sociale dans l’UE sont l’occasion de remettre en perspective les développements du secteur de l’économie sociale de ces dernières années, et des récentes avancées de l’Union européenne dans ce domaine. En quoi la publication du volet II de l’Acte pour le Marché unique marque-t’elle un pas en avant ? Où en sont les débats dans les autres institutions européennes concernant les autres « chantiers » de l’économie sociale ?

Des avancées tangibles dans le domaine de l’économie sociale depuis 2007

Monsieur Chaves, co-auteur du rapport CIRIEC, mettait en lumière que, malgré une forte hétérogénéité, selon les pays, et notamment un développement relativement moins important en Europe de l’Est, des progrès  en matière de mesure quantitative du secteur pouvaient être observés dans plusieurs pays.

Il a également souligné les améliorations en matière de règlementation de l’économie sociale sont notables, notamment en Espagne, au Portugal, en Pologne, en Belgique.

En outre, les acteurs représentants des coopératives, au niveau mondial, comme l’alliance internationale des coopératives (IAC), et au niveau européen, comme la CECOOP, ont rappelé la meilleure résistance des coopératives face à la crise, selon des facteurs objectifs. (référence publication de la CECOOP : « La résistance du modèle coopératif », synthèse, juin 2012, CECOP. )

L’adoption du Volet II pour l’Acte pour le Marché unique entérine la stratégie de la Commission européenne

Adopté le 3 octobre 2012, le Volet II pour l’Acte pour le Marché unique vient en fait confirmer la stratégie de la Commission européenne en matière d’entrepreneuriat social.

D’une part, cette Communication réaffirme que la Commission considère que les  entreprises sociales participent directement à la réalisation d’une croissance « intelligente, inclusive et durable », et à l’amélioration de la gouvernance économique, qui sont les objectifs de la stratégie Europe 2020.

D’autre part, la Commission attire l’attention sur la nécessité de démontrer l’impact des entreprises sociales en améliorant la visibilité, et en développant une méthodologie de mesure d’impact socio-économique. Cette communication met en exergue que « le plus urgent aujourd’hui est de développer des outils pour accroître la visibilité des entreprises sociales” et la nécessité de “se mettre d’accord sur de nouveaux outils pour montrer aux consommateurs, aux banques, aux investisseurs et aux autorités publiques l’impact positif qu’ont les entreprises sociales”.

En ce sens, cette communication reprend en fait les objectifs de l’initiative pour l’entrepreneuriat social d’octobre 2011. En particulier l’axe 2 qui attire l’attention sur la nécessité d’ améliorer la visibilité de l’entrepreneuriat social »

Par ailleurs, le deuxième volet de l’acte pour le marché unique fait écho à l’analyse d’impact du 7 décembre 2011 de la Commission accompagnant  la proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens. Cette analyse d’impact considère en effet que les difficultés de financement des entreprises relevant de l’économie sociale émanent notamment du manque d’informations claires et comparables et de la difficulté de mesurer ou d’évaluer le rendement social de celles-ci.Cette proposition de règlement met ainsi en évidence la nécessité : – d’ améliorer la transparence et la comparabilité des propositions d’investissement social; – d’améliorer les outils d’évaluation et d’analyse des incidences sociales; et de faire en sorte, dans toute l’UE, que les réglementations soient proportionnées et efficaces, de façon à permettre aux fonds d’entrepreneuriat social de mobiliser autant de capitaux que possible.

Le deuxième volet de l’acte pour le marché unique montre bien à quel point les enjeux du financement de l’économie sociale, celui du périmétrage, de la mesure d’impact socio-économique, de la visibilité de l’économie sociale et de sa « lisibilité » sont inter-reliés.

Clarifier le périmétrage de l’économie sociale, instaurer une méthode de mesure d’impact systématique, est tout aussi complexe qu’urgent. Les débats au Comité économique et social du 3 octobre au sujet du périmétrage de l’ESS, et de la labellisation de celle-ci ont bien montré que ces débats n’avaient, en pratique, rien d’évident, notamment du fait de la grande hétérogénéité de l’économie sociale.

Certes, la reconnaissance juridique, au niveau européen, de la spécificité des structures relevant de l’économie sociale, est indispensable pour permettre un meilleur accès aux financements, notamment privé, de ces structures, et pour par exemple permettre aux mutuelles de ne pas être en concurrence au niveau européen, avec les compagnies d’assurance à but lucratif, et pour faire clairement la distinction entre les structures et entreprises à finalité sociale, et les entreprises à but lucratif mais à connotation social (relevant du social business). Cependant, les acteurs de l’économie sociale présents lors de l’audition attiraient l’attention sur le fait qu’une définition trop restrictive et rigide risquerait de devenir rapidement obsolète, et de ne pas englober des acteurs qui pourraient être considérés comme relevant de l’économie sociale. Dans un contexte où l’approche continentale et anglo-saxonne, de l’économie sociale et où son cadre juridique, varient de manière sensible, on peut penser que les question de mesure du secteur dans les registres de comptabilité nationale, la définition des critères de labellisation, laissent augurer que ces sujets vont continuer de susciter le débat.

Monsieur Cabra de Luna, rapporteur de l’avis du Comité économique et social européen sur l’économie sociale en Amérique latine, mettait en évidence lors de cette conférence le 3 octobre que le « manque de visibilité sociale et institutionnelle  de l’économie sociale et solidaire », et le manque d’instances représentatives de l’économie sociale, caractérisant l’ESS

Le rapport note en effet des problèmes qu’il est intéressant de mettre en perspective avec les défis du secteur de l’économie sociale en Europe : « Un des grands problèmes qui entravent le développement de l’ESS en Amérique latine et renforcent son manque de visibilité sociale est la difficulté de structurer les informations concernant ce secteur. Il est nécessaire de connaître, et pas seulement de pressentir, l’impact réel de l’ESS. Cette absence de mesures fait qu’il est très difficile de faire ressortir sa véritable importance sociale et les avantages comparatifs qu’elle offre par rapport à d’autres types d’entreprises en termes d’impact de ses actions économiques, sociales et solidaires. L’absence de processus rigoureux de mesure et de quantification contribue à ce phénomène et empêche d’en mesurer la portée et les importants effets sociaux. »

De nombreux dossiers sur la table pour ces prochains mois

Dans un contexte où ces questions relèvent du principe de subsidiarité, cela dépend notamment des Etats membres et des décisions du Conseil de l’UE.

Les initiatives et avancées de l’Union Européenne ces dernières années montrent que les acteurs ont su se rassembler, y compris par delà les tendances politiques, autour  de la question de autoentrepreneuriat social.

La Commission a souligné lors de la conférence le travail conjoint des trois commissaires Barnier, Tajani et Andor, respectivement commissaires pour le Marché Unique, à l’industrie et aux entreprises, et à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion. Cependant, une volonté politique forte et de long terme, émanant des différentes parties, est indispensable pour que la volonté d’action affichée par la commission se concrétise en action. La Commission a annoncé dans sa communication qu’elle ferait début 2014 un bilan des avancées réalisées dans le domaine de l’économie sociale.

Les prochains mois devraient être marqués par des évolutions dans le domaine,  la proposition relative aux Fonds d’entrepreneuriat social européens ou de l’instrument financier de soutien à l’entrepreneuriat social prévu au titre du programme pour le changement social et l’innovation sociale sont en cours de négociation au Parlement européen et au Conseil, l’adoption du rapport de Heinz K. Becker sur l’initiative pour l’entrepreneuriat social. L’enjeu de la réforme des marchés publics, avec l’inclusion de clauses sociales dans les marchés publics et le statut de fondation européenne (proposé par la Commission européenne en février 2012), qui doit encore être adopté.

Pays: 

Union Européenne

Thématiques: