Cadre règlementaire européen pour le marché public et les clauses sociales

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Mars 2013, quatre questions à Marc Tarabella (eurodéputé) sur la réforme des marchés publics.

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Dernières actualités : la réforme des marchés publics

Décembre 2012 : vote du PE

Comment s’est fait la prise en compte des considérations sociales ?

Les cas de jurisprudence avant l’adoption des directives européennes de 2004 sur les marchés publics

La Cour de Justice européenne a invalidé à plusieurs reprises les positions de la Commission européenne en matière de prise en compte de considérations sociales. Dans un premier arrêt dit Beentjes, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé valable dans son principe, à partir du point 14, un critère d’attribution additionnel lié à la lutte contre le chômage, pourvu que soient respectés tous les principes fondamentaux du droit communautaire (CJCE, C-31/87, 20 septembre 1988, Gebroeders Beentjes BV c/ Pays-Bas, Rec., p. 4635).

Puis, la Cour de justice européenne va admettre la prise en considération de données sociales dans l’attribution des marchés publics à l’occasion de la passation de plusieurs marchés de travaux ayant pour objet la construction et la maintenance de bâtiments scolaires menées par la région Nord-Pas-de-Calais et le département du Nord. Dans cet arrêt, l’exigence du lien avec l’objet du marché n’était pas posée (CJCE, arrêt République française, 26 septembre 2000, C-225/98).

Enfin, dans l’arrêt Concordia Bus Finland de 2002 (CJCE, arrêt Concordia Bus, 27 septembre 2002, C-513/99), la Cour de justice européenne reconnait que les critères peuvent ne pas être tous de nature économique. Les critères d’attribution peuvent prendre la forme d’une combinaison de critères qualitatifs et économiques sous quatre conditions :

  1. le critère doit être lié à l’objet du marché ;
  2. le critère doit être objectif et suffisamment précis, c’est-à-dire que son utilisation ne doit pas donner lieu à une liberté inconditionnée de choix pour le pouvoir adjudicateur ;
  3. le critère doit respecter les obligations de publicité ;
  4. le critère ne doit pas violer le principe de non-discrimination.

En conclusion, la CJCE admet la prise en compte de critères éthiques (au sens large) pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse pour autant qu’ils soient liés à l’objet du marché et ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, car ils doivent être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination.

Soulignons que les directives de 2004 sur les marchés publics annoncent dans leur premier considérant qu’elles se fondent sur cette position de la Cour de Justice. A noter également que la Cour de Justice européenne s’est montrée particulièrement vigilante au regard du principe de non-discrimination. L’exemple de la loi italienne de 1991 sur les coopératives sociales, qui prévoyait une réservation de marchés publics en faveur de ces dernières, illustre cela. La loi a en effet dû être révisée en 1995 afin de prévoir cette réservation sous les seuils européens d’application des directives et, pour respecter le principe général d’égalité de traitement, la réservation a été ouverte aux entreprises de l’UE équivalentes aux coopératives sociales italiennes.

La directive européenne 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, intègre les points suivants :

  • Elle affirme être fondée sur la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la jurisprudence relative aux critères d’attribution, qui précise les possibilités, pour les pouvoirs adjudicateurs, de réponse aux besoins de la collectivité publique  concernée, y compris dans les domaines environnemental et/ou social, pour autant que ces critères soient liés à l’objet du marché, ne confèrent pas une  liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, soient expressément mentionnés et respectent les principes fondamentaux du droit communautaire.
  • Article 26 : condition d’exécution du marché Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des conditions particulières concernant  l’exécution du marché pour autant qu’elles soient compatibles avec le droit communautaire et qu’elles soient indiquées dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges. Les conditions dans lesquelles un marché est exécuté peuvent notamment viser des considérations sociales et environnementales.
  • Article 19 : marchés réservés Les États membres peuvent réserver la participation aux procédures de passation de marchés publics à des ateliers protégés ou en réserver l’exécution dans le cadre de programmes d’emplois protégés, lorsque la majorité des travailleurs concernés sont des personnes handicapées qui, en raison de la nature ou de la gravité de leurs déficiences, ne peuvent exercer une activité professionnelle dans des conditions normales.

La Présidence française de l’Union européenne a organisé en octobre 2008 le colloque européen sur « le développement des clauses sociales dans la commande publique », qui rassemblait des représentants de la Commission européenne et des praticiens européens. Elle visait à clarifier un certain nombre de points, parmi lesquels celui de la prise en compte des considérations sociales dans la directive.

La Commission européenne insiste beaucoup plus sur la notion d’objet du marché, qui doit, selon elle, être interprétée strictement. Ce principe, entériné par  les directives de 2004, précise que l’acheteur public peut poursuivre, au travers de son achat, des objectifs de quelque nature que ce soit, à condition qu’ils soient liés à l’objet du marché. La Commission considère que la notion de lien avec l’objet du marché doit jouer pour les critères sociaux d’attribution mais aussi pour les conditions d’exécution des marchés.

La Commission européenne a publié le 28 janvier 2011 « Acheter social – Un guide sur les appels d’offres publics avec clause de responsabilité sociale», qui apporte un certain nombre de précisions sur l’interprétation du lien avec l’objet du marché. Plus largement, le guide vise à apporter un éclairage sur les possibilités offertes par le cadre juridique communautaire en matière de prise en compte de considérations sociales dans les marchés publics, et à inciter les acheteurs publics à les intégrer avec davantage de confiance dans leurs appels d’offres.

Enfin, une large consultation a été lancée le 27 janvier 2011 à travers le livre vert sur « la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics – Vers un marché européen des contrats publics plus performant ».

Suite à cette consultation, La Commission européenne et le Parlement européen ont publié le 20 décembre 2011 une proposition de directive sur la passation des marchés publics.

Les réseaux notent des avancées notables, dans le texte, qui vont vers une meilleure reconnaissance des spécificités des services sociaux dans les procédures de passation des marchés publics. Deux avancées majeures :

  1. Le texte reconnaît que le régime normal de passation des marchés n’est pas adapté aux services sociaux et que ces derniers présentent des caractéristiques spécifiques qui les rendent impropres à l’application des procédures selon lesquelles les marchés de services publics sont normalement attribués. Il va donc plus loin que la Directive actuelle (2004/18/CE) qui reconnaît un traitement particulier aux services sociaux mais qui se limite à une procédure allégée (transposée en droit français par les articles 29 et 30 du code des marchés publics). Par ailleurs, le texte reconnaît les différences administratives, organisationnelles et culturelles dans la fourniture des services sociaux et leur dimension transfrontalière très limitée.
  2. La proposition permet une extension des marchés réservés aux SIAE. En effet le texte indique que « Les États membres peuvent réserver la participation aux procédures de passation de marchés publics à des ateliers protégés et des opérateurs économiques, ou dont l’objet principal est l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés prévoir que leur exécution ne peut avoir lieu que dans le contexte de programmes d’emplois protégés, à condition que plus de 30 % du personnel de ces ateliers, opérateurs économiques ou programmes soient des travailleurs handicapés ou défavorisés. L’avis de mise en concurrence fait référence à la présente disposition. ».

source: ROMET Béatrice, Quel cadre public pour faciliter l’accès aux entreprises de l’économie sociale aux marchés publics? , Pour la Solidarité, mars 2011

http://www.fnars.org/index.php/ssig/139-ssig/3733-lunion-europeenne-prop...

Pays: 

Union Européenne