Rotterdam: Relier économie sociale et clause sociale

Pour améliorer l’impact de sa politique de clause sociale dans les marchés publics dite “du règlement des 5 %”, la Ville de Rotterdam tente d’associer étroitement les efforts de l’économie sociale et des entreprises privées. En initiant la création d’une entreprise d’insertion et d’un service d’accompagnement des entreprises conventionnelles invitées à embaucher des personnes handicapées ou en insertion, la Ville a modélisé une forme d’économie sociale municipalisée.

La terminologie “économie sociale” est peu usitée aux Pays-Bas qui l’assimilent, peu ou prou, au secteur associatif. Celui-ci représente en effet une force économique importante avec 60 000 structures assurant, via des fonds publics, la quasi-totalité de certains services d’intérêt général (prise en charge des personnes âgées, enseignement). A Rotterdam, deuxième ville du pays (600 000 habitants), la municipalité a toutefois choisi d’emprunter les termes d’économie socialepour caractériser un pan de sa politique de l’emploi destinée aux personnes éloignées du marché du travail – que ce soit pour des raisons de handicap ou de chômage. L’idée première a été d’instaurer le principe dit du “règlement des 5 %” : toute entreprise qui remporte un marché public supérieur à 225.000 € se doit de réserver au minimum 5 % de son budget à la mise en œuvre de mesures d’embauche de personnes handicapées ou désinsérées. La mesure, lancée dès 1996, a été complétée à partir de 2003 par deux nouveaux dispositifs : l’entreprise d’insertion Roteb et le service DAAD.

Roteb : entreprise d’insertion municipale

Roteb est un ensemblier d’insertion qui a développé une activité marchande dans des secteurs comme la gestion des déchets, la propreté et plus récemment la restauration. Par la taille Roteb dépasse largement les seuils de l’hexagone : 5000 salariés dont la moitié en emplois protégés et 1000 en emploi d’insertion. Particularité notable : Roteb est un service municipal, rattaché aux directions des affaires sociales et des déchets de la municipalité. “L’élément clé de notre définition de l’économie sociale est la dualité des objectifs : savoir allier activité économique et impact social. Les objectifs sociaux étant la priorité”, explique Kris Luijsterburg, du centre d’études des politiques sociales et des affaires internationales de la Ville de Rotterdam. Que la puissance publique locale ait pris l’initiative de constituer ce pôle d’insertion n’a pas créé de problème. Il n’existait pas de structure correctement dimensionnée pour répondre aux objectifs politiques : “la Ville a pris ses responsabilités1 “, explique Kris Luijsterburg qui ajoute : “Cela est peut-être du à une longue tradition de coopération avec les associations dans le traitement conjoint des questions sociales, mais il n’y a pas de discussion sur la légitimité ou l’illégitimité d’une compétition ou de conflits d’intérêts.” Roteb coopère avec des entreprises privées qui fournissent des stages et au bout de la chaîne, créent des emplois pour ces personnes qui, au départ, étaient considérées comme inemployables. Et certaines entreprises privées travaillant avec Roteb le font pour s’acquitter du “règlement des 5 %”. 450 personnes chaque année obtiennent ainsi un emploi stable. La spécificité de cette clause des 5 % est bien de solliciter la création d’emploi par les entreprises et non la sous-traitance d’un lot à des entreprises d’insertion comme cela peut déjà exister en France.

DAAD, le facilitateur

Et pour fluidifier cette mise en œuvre du “règlement des 5 %”, la Ville a créé en 2008 le DAAD qui pourrait se traduire par “Point service emploi de Rotterdam”. Le DAAD assure des missions d’accompagnement des entreprises dans la mise en œuvre de la clause sociale. Il assume aussi, un rôle d’évaluateur et de contrôleur du respect de la clause. La municipalité assimile le DAAD à son dispositif d’économie sociale car il constitue une articulation essentielle entre l’ensemblier d’insertion Roteb et les entreprises privées en facilitant leur mise en relation. Le DAAD sensibilise les entreprises privées à l’existence du Roteb, professionnel de l’insertion et Roteb trouve dans le DAAD un soutien fort pour démultiplier les opportunités de sortie positive vers l’emploi. L’objectif du DAAD pour 2011 est de placer 2700 personnes dont 1000 issues de Roteb.

Philippe Chibani-Jacquot

Note :

1 Les Villes ont la charge d’assumer la politique de création d’emplois protégés aux Pays-Bas. La spécificité de Rotterdam est d’aller au-delà de l’emploi protégé pour faire de l’insertion.

Contact 

Centre d’étude des politiques sociales et des affaires internationales
Services des affaires sociales et de l’emploi de la Ville de Rotterdam
Kris Luijsterburg
+31.10.498.2347
k.luijsterburg@sozawe.rotterdam.nl

 

Pays: 

Pays-Bas

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