Histoire d’un combat pour le handicap et l’emploi

En Roumanie, le rejet du handicap a longtemps laissé un grand nombre de personnes en marge de la société. Depuis la fin du régime communiste, les mentalités et la législation évoluent. Trop lentement selon les membres de l’association Motivation Romania qui cherchent à lever les obstacles à l’intégration. Comment ? En favorisant l’autonomie professionnelle des personnes handicapées.

“Nous souhaitons donner aux personnes handicapées la chance d’être considérées comme des personnes normales” répète Cristian Ipsas, directeur de l’association Motivation Romania. Marqué par la révolution de 1989 durant laquelle il travaille avec la Croix-Rouge pour soutenir les nombreux blessés qui conserveront des formes de handicap, il décide par la suite avec l’aide de plusieurs ONG et de deux travailleurs sociaux roumains, de produire 300 fauteuils roulants. Motivation Roumania naît de cette première action en 1995 et quinze ans plus tard, l’association est représentée par 11 bureaux dans toute la Roumanie avec 110 salariés (dont 30% de personnes handicapées) et a distribué 3 000 fauteuils. Mais Cristian Ipsas et son équipe n’entendent pas en rester là.

“Pour être véritablement autonomes, les personnes handicapées doivent pouvoir accéder à la vie active”

Pour cela il faut changer les mentalités. Sous l’influence de l’Union européenne et des ONG, la législation roumaine évolue et prévoit notamment une meilleure accessibilité des personnes handicapées aux services publics, en tant qu’usager. Même « si sur le papier, la loi est excellente, assure Cristian Ipsas, dans les faits il ne se passe quasiment rien ».

Décloisonner

Ce manque de considération du gouvernement se ressent sur la population qui n’est pas habituée à côtoyer des personnes handicapées, spécialement sur les lieux de travail. Motivation Romania entend bien briser ces barrières. En 2006 « une agence pour l’emploi » dédiée aux personnes handicapées voit le jour. Comme une agence d’intérim, elle démarche des entreprises afin d’identifier des postes vacants, elle créé le lien avec les demandeurs d’emploi en situation de handicap et accompagne le recrutement. Seule différence avec l’intérim : cette agence ne salarie pas elle-même les candidats à l’embauche, cette tâche est directement prise en charge par l’entreprise d’accueil. Concrètement, les 12 employés de l’agence prospectent auprès des entreprises et rencontrent individuellement les dirigeants pour les convaincre d’embaucher des personnes handicapées.

“Nous insistons sur ce qu’elles savent faire et leur montrons à quel point elles sont motivées, souligne le directeur de l’association”

Nombreux sont les candidats à l’embauche qui se pressent à la porte de l’association, aiguillés par des ONG ou par le bouche-à-oreille. Pour eux, l’agence pour l’emploi organise des sessions de formation autour de la présentation du CV et de la préparation aux entretiens. Et quand l’agence parvient à décrocher un poste, elle accompagne le candidat dans toutes ses démarches durant les premières semaines dans le monde de l’entreprise.

Depuis 2008, 500 personnes ont ainsi été aidées dans leurs démarches et 95 ont trouvé un emploi à long terme. Plusieurs travaillent désormais comme vendeurs dans la grande distribution, d’autres sont dans la boulangerie et l’une d’elles est même devenue assistante de direction au sein d’IBM Roumanie. Pour que l’intégration en entreprise se passe bien, le personnel est également formé :

“Nous leur donnons les notions de base : comment s’adresser et se comporter avec une personne handicapée. En voulant aider, certains en font trop et les infantilisent. Il faut à tout prix éviter cela”

Ces interventions sont le plus souvent gratuites sauf lorsqu’elles ont lieu dans de grands groupes commerciaux tels que Carrefour ou Auchan. Pour financer ses programmes (1,5 million d’euros de budget annuel), Motivation Romania fait appel au Fonds social européen. Car pour l’instant, les collectivités locales du pays ne sont pas réceptives, malgré l’impact positif et la preuve du potentiel « reproductibilité » de l’initiative.

“C’est clair que pour les institutions roumaines, ce que nous faisons n’est pas prioritaire, regrette Cristian Ipsas. J’espère qu’un jour tout cela va changer”

Source: www.essregion.org

Pays: 

Roumanie

Thématiques: