L’Ile de Leros fait son miel de l’économie sociale

La coopérative sociale de l’île de Leros fut la première à naître en 2002, trois ans après la loi qui avait créé ce statut. Initiée dans le cadre de la réforme psychiatrique de 1999, la coopérative emploie des pensionnaires de l’hôpital psychiatrique sur des activités productives comme le maraîchage et la production de miel. La Municipalité de Leros et le Conseil général du Dodécanèse ont pris des parts dans la coopérative dès sa création, soutenant ainsi l’une des toutes premières initiatives de l’économie sociale grecque.

Tout un symbole. En lieu et place de l’ancien asile de Leros qui était le plus grand du pays avec ses 2000 patients (sur 10.000 habitants) se trouve un hôpital psychiatrique nouvelle formule et sa coopérative sociale attenante. L’asile avait été épinglé au début des années quatre-vingt-dix dans un reportage de la BBC qui dénonçait les conditions de soins et de prise en charge des malades psychiques. S’en est suivi la réforme psychiatrique de 1999 qui a entériné la création du statut de coopérative sociale chargé d’offrir une voie d’insertion sociale pour les patients.
Une cinquantaine de pensionnaires sur les 600 que compte aujourd’hui l’hôpital travaillent aujourd’hui pour la coopérative qui est réputée pour confectionner l’un des meilleurs miels de Grèce.

Appui symbolique et financier

Les initiateurs de cette coopérative sont les dirigeants et le personnel de l’hôpital. Ils ont bénéficié très tôt des encouragements du ministère de la Santé et de la Commission européenne. La Municipalité de Leros appuya, elle aussi, l’initiative en prenant des parts et en affichant son statut de sociétaire dès la création de l’entité juridique. “[La Municipalité] a joué un rôle important dans la promotion de la coopérative à l’intérieur de l’île”, explique Andreas Georgiou, le président de la coopérative. Le statut grec permet en effet aux collectivités locales d’accéder au statut de sociétaire (< 20 % des membres), à l’instar de son homologue italienne ou de la Scic française. L’équivalent de notre Conseil général, pour le département du Dodécanèse est lui aussi sociétaire. Il a par ailleurs soutenu financièrement la création de l’atelier de fabrication du miel via les programmes conduits par sa société de développement économique. Mais au-delà de l’appui institutionnel, les collectivités et établissements publics sont devenus les premiers clients de la coopérative afin de soutenir son activité. Bien que le miel de Leros s’exporte aujourd’hui jusqu’en Écosse, l’impact de la crise économique et financière grec sur les finances publiques rend inquiet les dirigeants : “l’impact [de la crise] est important et l’activité de la coopérative risque d’être fortement touchée. La majorité des ventes est dirigée vers des acheteurs publics. L’hôpital local, par exemple, a du procéder à une révision de ses prévisions d’achats en raison des restrictions budgétaires auxquelles il doit faire face”, constate M. Georgiou.

Leros, capitale historique de l’économie sociale

Alors que la coopérative devrait fêter ses dix ans d’existence cette année, le nombre de coopérateur s’élève à 441 et le capital à 213.000 €. 148 professionnels de santé (médecins, personnels accompagnants…), 95 tiers, dont font partie une quinzaine de collectivités locales ou administration publiques, et 198 malades. C’est l’originalité la plus notable des coopératives sociales grecques : la participation à la gouvernance comme premier outil d’insertion des patients de l’hôpital psychiatrique. Les malades psychiques disposent non seulement de leur collège électoral, mais il doit, de par la loi, représenter un minimum de 35 % du sociétariat.
Avec près de 45 % de patients, la coopérative dépasse largement le seuil légal. “La création de la coopérative sociale de Leros a marqué le premier pas du démarrage de l’économie sociale non seulement sur l’île mais en Grèce en général”, s’enorgueillit M. Georgiou.

Article de Philippe Chibani-Jacquot